Spécial stockage F&L • Post-récolte : l’ozone comme futur traitement ?

Laboratoire miniaturis conteneur bateau de quarante pieds Purpan

L’équipe de chercheurs a pu installer un laboratoire miniaturisé, dans un conteneur bateau de quarante pieds, au sein même d’une bananeraie, à 140 km d’Abidjan.

Crédit photo Ecole dingnieurs de Purpan
L’École d’ingénieurs de Purpan, qui travaille depuis quinze ans sur les technologies oxydatives, a mené un projet sur l’usage de l’ozone dans la conservation des fruits. Nommé Atmozfr, le projet a étudié des techniques de désinfection à l’ozone sur la banane principalement. Sous forme d’eau ozonée ou d’ozone gazeux, ces technologies diminueraient les pertes de fruits liées aux maladies de conservation.

Vous connaissez certainement l’odeur particulière que dégage la foudre qui vient de frapper : elle provient en réalité de l’ozone. Aussi connue sous forme de désinfectant, cette molécule non rémanente se décompose très vite en oxygène. D’ailleurs, elle est utilisée « depuis plus d’un siècle dans les traitements de l’eau potable pour ses propriétés antibactérienne et antifongique », rappelle Frédéric Violleau, directeur de la recherche à l’École d’ingénieurs (EI) de Purpan, à Toulouse.

Depuis quinze ans, l’EI Purpan s’intéresse à l’usage de l’ozone en alternative aux produits phytosanitaires, du champ aux produits transformés.

Étudier des applications de l’ozone

L’école a créé la plateforme Toast (technologies oxydatives pour l’agriculture et l’agroalimentaire sur Toulouse) afin d’étudier les différentes applications de l’ozone : protection des plantes, qualité et sécurité des aliments, traitement post-récolte ou encore conservation.

De janvier 2020 à décembre 2022, l’équipe de l’EI Purpan s’est penchée sur le traitement en post-récolte et la conservation des fruits au sein du projet Atmozfr.

L’objectif : identifier dans les procédés post-récolte l’étape à laquelle appliquer l’ozone pour limiter les maladies de conservation des fruits. « Le tout, sans en dégrader les qualités organoleptiques et sans laisser de résidus », précise l’EI Purpan.

Atmozfr a bénéficié d’un financement de la Région Occitanie et des fonds Feder à hauteur d’un million d’euros, pour trois ans de recherche. « Nous avons étudié la banane et la mangue, pour les fruits tropicaux, et le melon et la prune pour les fruits régionaux », présente Frédéric Violleau.

Au regard des volumes utilisés, le fruit phare du projet était la banane. « Parmi nos partenaires, la Compagnie fruitière, basée entre autres en Côte d’Ivoire, nous a donné accès à l’une de leur plantation et à leurs bananes, ajoute Frédéric Violleau. Nous comptions également la société Boyer qui nous a fourni les melons et les prunes. » Le consortium était complété par le Cirad et la société Absoger.

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Diminuer la perte des fruits en post-récolte

Les bananes doivent rester vertes tout au long de leur voyage vers le consommateur. De la récolte au transport maritime puis à la chambre de mûrissage en France, environ trois semaines s’écoulent ! « Pendant tout ce laps de temps, il faut empêcher le déclenchement de la crise climactérique qui fait mûrir la banane, explique le directeur de la recherche. On bloque la respiration du fruit qui empêche la production d’éthylène. » De plus, le mûrissement peut aussi être déclenché par une maladie de conservation, comme les pourritures de couronnes chez la banane.

« Le but du jeu est d’empêcher le mûrissement à l’aide de techniques de conservation et de désinfection des fruits », ajoute Frédéric Violleau. Aujourd’hui, des produits phytosanitaires existent pour limiter le mûrissement des fruits climactériques mais il manque des alternatives, notamment en agriculture biologique. Ainsi, l’équipe de la plateforme Toast a testé l’usage de l’ozone pour diminuer la perte de fruits en post-récolte.

chambres de conservation atmosphre contrle et ozone l'EI Purpan
La plateforme Toast dispose de chambres de conservation à atmosphère contrôlée et ozonée.
Crédit photo : Ecole dingnieurs de Purpan

La plateforme Toast dispose de chambres de conservation à atmosphère contrôlée et ozonée. Toutefois, pour réaliser les traitements sur une banane verte tout juste récoltée, l’équipe a souhaité faire les manipulations directement en Côte d’Ivoire.

Avec l’aide de la société Absoger et de la Compagnie fruitière, l’équipe a pu installer un laboratoire miniaturisé au sein même d’une bananeraie, à 140 km d’Abidjan. « Nous avons construit un conteneur bateau de quarante pieds dans lequel il y a notamment une chambre de conservation à atmosphère contrôlée et une partie dédiée aux traitements à l’eau ozonée », explique Frédéric Violleau.

« L’eau ozonée diminue les charges fongiques »

Après avoir identifié quelques étapes du process en post-récolte, l’équipe a testé le traitement des bananes avec l’eau ozonée : soit par trempage, en bain de quelques dizaines de minutes, soit par douchage durant quelques minutes. Frédéric Violleau précise que le douchage, sous forme de grosse veine d’eau, diffère de la pulvérisation : celle-ci peut conduire à une désorption de l’ozone et être non efficace.

« L’ozone, appliqué dans les eaux de process d’une station bananière, présente un premier intérêt pour diminuer les charges fongiques, affirme le directeur de la recherche. Aussi, l’eau ozonée appliquée directement sur les bananes, par douchage, réduit la contamination. » Les chercheurs ne souhaitent toutefois pas communiquer sur les résultats chiffrés avant une validation à l’échelle industrielle.

Bananes vertes Côte d'Ivoire
Les bananes doivent rester vertes tout au long de leur voyage vers le consommateur.
Crédit photo : Ecole d'ingénieurs de Purpan

L’équipe s’est ensuite intéressée à l’ozone gazeux dans les atmosphères contrôlées des conteneurs qui assurent le voyage des bananes. « Nous avons simulé les conditions d’une atmosphère d’un conteneur enrichie en ozone, avant et pendant le transport des bananes, pour maintenir une atmosphère saine », précise le directeur de la recherche. L’atmosphère contrôlée, qui contient seulement 1 à 2 % d’oxygène, bloque la respiration des fruits et induit une plus longue conservation. L’ajout de l’ozone, quant à lui, permet de réduire les pertes dues aux maladies de conservation.

Le savoir-faire et la technologie pour conserver des fruits à l’ozone sont bien disponibles en France. Cependant, la réglementation européenne interdit d’appliquer l’ozone en contact direct des fruits et légumes. Le directeur de la recherche nuance : « Il est tout à fait possible d’utiliser l’ozone gazeux pour désinfecter une chambre de conservation vide ou traiter des eaux de process. »

D’autre part, il rappelle que le risque d’exposition des opérateurs doit être nul. « Des solutions existent pour utiliser ces technologies correctement, à l’image des usines de traitement d’eau potable », rajoute Frédéric Violleau.

« Développer un outil à l’échelle d’une station fruitière »

Reconnu comme un agent biocide dans le traitement de l’eau potable, des demandes ont été faites auprès de l’Europe pour régulariser l’usage de l’ozone en irrigation notamment. « Avec le soutien des acteurs de la filière fruits et légumes, les fournisseurs de matériel et les centres techniques, nous espérons faire bouger les lignes sur la réglementation, du moins en France », annonce Frédéric Violleau.

L’ozone, considéré comme auxiliaire technologique, a été autorisé pour désinfecter le blé et plus récemment pour le traitement des salades prêtes à l’emploi. Un espoir se dessinerait-il pour étendre l’autorisation sur l’ensemble des fruits et légumes ?

En attendant, l’EI Purpan souhaite poursuivre ses travaux de recherche et réaliser un projet Atmozfr 2. « Atmozfr nous a permis de faire preuve du concept à petite échelle, sur une vingtaine de mains de banane, déclare Frédéric Violleau. Nous voudrions maintenant développer un outil semi-industriel à l’échelle d’une station fruitière, avec deux ou trois conteneurs bateau qui feraient la rotation entre la France et l’Afrique. »

Le directeur de la recherche ajoute que « les technologies développées sur les bateaux pourraient se décliner sur le grand export d’autres fruits et légumes, la pomme par exemple ».

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