Trois innovations dans les fruits et légumes récompensées

Lors d'une récente conférence de presse, les trois lauréats 2023 ont été mis en avant. Photo : Interfel
Depuis deux ans, l'interprofession soutient des initiatives visant à proposer de nouveaux produits ou services. Lors d'une récente conférence de presse, les trois lauréats 2023 ont été mis en avant. Lutte contre le gaspillage et protection des ressources de la planète sont au cœur des business models.
 
Interfel ne se contente pas de représenter les producteurs de la filière fruits et légumes frais.

« Nous voulons mener une réflexion sur la consommation, les nouveaux produits et les nouveaux services », souligne Georges Daniel, président du jury Food Hackathon Fruits & Légumes frais de l'association interprofessionnelle.

Pour ce faire, l'interprofession sélectionne des initiatives innovantes, qui sont ensuite accompagnées pendant six mois. Échanges avec les porteurs de projet, mise en relation grâce au réseau de producteurs, conseils business : l'idée est de soutenir les jeunes pousses et de les aider à conquérir le marché. Les trois lauréats du concours de cette année ont été présentés à l'occasion d'une conférence de presse, le 18 décembre.

Trois lauréats antigaspi

Tomogrow, des aromates cultivées dans les supermarchés

Imaginé par deux ingénieurs, Camille Ernould et Jérémie Delbart, le projet de cette start-up lilloise, lancé en janvier 2022, s'adresse à la grande distribution, aux commerces de proximité et même aux restaurants. C'est un système de microfermes, grâce auxquelles les consommateurs pourront cueillir directement leurs aromates sur place.

« Dans le commerce de proximité et la grande distribution, 30 % des produits frais sont jetés avant même d'arriver jusqu'aux consommateurs, en raison de problèmes logistiques ou de stockage, relève Camille Ernould, agronome et cofondatrice de Tomogrow. Pour les aromates, c'est même 70 % ! »

C'est à partir de ce constat, fondé sur une étude, que les deux jeunes startupeurs ont imaginé un dispositif permettant d'accéder à des aromates dans les rayons frais. Cultivées hors-sol en aéroponie haute pression et sans réfrigération, les plantes réduisent la consommation d'eau, d'énergie et de transport et, bien sûr, évitent le gaspillage. En effet, le consommateur prélève des pieds de basilic, de persil, de menthe, de ciboulette, qui poussent dans des pots et pourront être conservés plus longtemps à la maison, grâce aux racines.

Dans des conteneurs maritimes réformés où les semis sont produits, une ferme mère, implantée au marché de gros de Lomme, près de Lille, sert à la production première. Puis les plantes sont distribuées localement, dans les micro-fermes, sortes de meubles sur roulettes autonomes. Déjà, dans les Hauts-de-France, plusieurs enseignes : Otera, Leclerc, Carrefour Market, Système U, Intermarché... ont adopté l'idée.

« Nous avons 83 commandes sur 2024 », indique en outre Jérémie Delbart.

L'ambition des deux entrepreneurs est de déployer leur innovation dans toute la France à l'avenir.

Fans de circuits courts, les deux entrepreneurs sont aussi soucieux de la santé et de la souveraineté alimentaire.

« Nous ne travaillons qu'avec des graines non traitées et des semences françaises », indiquent-ils.

Bpifrance a par ailleurs épaulé Tomogrow dans son étude de faisabilité et la start-up bénéficie des labels French Tech et Coq vert.

Food Index for Good, pour végétaliser l'assiette des restaurateurs

Élise Baron, la cofondatrice avec Eva Genel de Food Index for Good (FiG), association créée en 2020, en est convaincue. Les chefs cuisiniers sont devenus, au fil des émissions télé, « des influenceurs », dit-elle.

« En outre, 2 milliards de repas par an sont pris au restaurant en France », enchaîne-t-elle.

Et puisqu'un quart du total des émissions de gaz à effet de serre provient de l'alimentation (production, transport, etc.), utiliser le levier des restaurateurs pour les réduire est nécessaire. L'une des solutions est de donner plus de place aux fruits et légumes dans les assiettes.

FiG commence déjà par proposer aux restaurateurs de calculer leur empreinte carbone, à l'aide d'un outil qui a reçu le soutien technique de l'Ademe et qui analyse les données récoltées (empreinte carbone de la viande, respect des saisons, approvisionnements en bio et en local, gestion des déchets et des invendus, sur la base de factures).

« L'outil chiffre également les gains financiers possibles et permet aux restaurateurs de se comparer à la concurrence », poursuit-elle.

Car c'est souvent par le biais économique, plus que par la nécessité de lutter contre le dérèglement climatique, qu'elle arrive à convaincre. Une fois embarqués, les restaurateurs réfléchissent à faire évoluer leurs pratiques et leur carte, en proposant davantage de légumes et moins de viande, par exemple, ou des buffets exclusivement végétariens quelques jours par semaine.
Déjà, quelque 400 brasseries et établissements gastronomiques ont été accompagnés pour effectuer cette transition et plus de 200 ont reçu leur « badge FiG » qui met en valeur les professionnels écoresponsables grâce à un logo visible sur des plateformes de réservation partenaires.

« Les gains sont en fonction du temps passé à évoluer, relève Élise Baron. Nous avons des exemples où la réduction de l'empreinte carbone va jusqu'à 40 %, à laquelle s'ajoutent 20 % d'économies sur les achats de produits alimentaires et 15 % d'économies énergétiques, sans oublier l'impact positif sur les clients et les salariés. »

Elle souhaite donc que l'outil, payant pour l'instant, soit ouvert à l'avenir, pour un déploiement plus vaste.

« L'accompagnement d'Interfel a été source d'inspiration », ajoute-t-elle. Que ce soit dans les premiers pas pour rééquilibrer l'assiette et y inclure davantage de végétaux ou pour donner des idées d'appellation de plats. « Si l'on écrit “boulettes végétariennes” sur la carte, on a peu de chances de séduire, mais si l'on parle de falafel, on apporte une vision plus exotique et plus positive », sourit-elle.

Proteme, une pellicule naturelle pour prolonger la durée de conservation des fruits

Des bananes qui se gâtent, des citrons qui se couvrent de moisissures... Les producteurs de ces fruits et agrumes, de même que d'autres, qui fournissent le marché en abricots et autres fruits à noyaux, s'inquiètent de ces phénomènes de maturation rapide. En abîmant les produits, ils rebutent les consommateurs ou participent au gaspillage alimentaire. C'est ce gâchis qui a incité, en 2022, un jeune ingénieur agronome d'AgroParisTech, Paul Malfoy, dirigeant et cofondateur, avec Valentin Sabatet et Benjamin Vignard, de Proteme, à agir.

« 40 % de la nourriture produite n'est jamais consommée, assure-t-il. Et c'est, en outre, 6 % de la consommation d'eau mondiale qui ne sert à rien. »

Il a donc imaginé, en collaboration avec l'Inrae, une technologie d'enrobage alimentaire qui ralentit le phénomène de mûrissement et évite l'oxydation en protégeant le fruit contre les bactéries et les champignons. De quoi offrir jusqu'à dix jours de conservation en plus et éviter que les bananes noircissent et que les citrons moisissent.

« Cette seconde peau est un biopolymère, composé uniquement de matériaux naturels, d'origine végétale ou fongique », poursuit-il.

Le produit se présente sous une forme liquide, s'élimine en passant le fruit sous l'eau et s'adresse directement aux producteurs pour un traitement après récolte. Les premières expérimentations ont déjà eu lieu sur les bananes et les citrons, à Rungis.

Prévue pour la fin 2025, la commercialisation devra cependant passer un dernier obstacle.

« Tous les produits que nous utilisons pour notre solution sont acceptés par l'Europe, sauf un, qui n'est pas couvert. Nous nous efforçons de faire changer la réglementation et également d'homologuer notre solution », explique-t-il.

Sans doute faudra-t-il aussi un logo pour communiquer avec les consommateurs.

Il s'agira ensuite de choisir les producteurs, car cette pellicule a un coût, plus facilement absorbable par des produits déjà bien valorisés, comme les mangues ou les avocats.

Récompensée en 2022 par le Greentech Innovation du ministère de la Transition écologique, la start-up Proteme est aussi, entre autres, lauréate d'un programme France 2030, Innover pour réussir les transitions agroécologique et alimentaire.
 
Lys Zohin
 

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