Le changement climatique est une réalité. En Alsace, les amplitudes de températures peuvent osciller de 0 à 25 °C en l’espace de deux jours. Et si la pluviométrie est identique d’année en année, elle est loin d’être homogène sur l’année et sur les différents territoires. En moyenne, c’est une région qui enregistre plus de 1.000 mm/an d’eau.
« Le climat alsacien a beaucoup évolué et la répartition des pluies aussi. En fait, le cumul annuel est identique d’une année sur l’autre. Mais la répartition est très différente. Nous avons des périodes très sèches de juin à août, ce sera vraiment très sec. Puis à nouveau de la pluie alors qu’auparavant nous avions de la pluie tout au long de l’année sans une vraie période de sécheresse. C’est aussi cette nouvelle répartition qui oblige à mettre en place un système d’irrigation », indique Morgane Lheureux, responsable expérimentation chez Verexal.
Ainsi, pour garantir la pérennité et la viabilité des productions fruitières, un changement de pratique s’impose.
Verexal s’est donc lancé dans le développement d'un outil d'aide à la décision (OAD) dédié à l'irrigation des vergers alsaciens. L'OAD vise à accompagner les arboriculteurs dans la gestion fine et efficiente de l'eau, en tenant compte de leurs besoins spécifiques et des contraintes locales.
Disparités d'accès à l'eau entre les arboriculteurs alsaciens
En Alsace, peu d'arboriculteurs sont équipes ou irriguent. « Notre volonté est de pouvoir accompagner tous les arboriculteurs vers cette démarche, souligne Morgane Lheureux. C'est tout une réflexion par rapport à l'irrigation qu’il faut tenir mais, en tout cas, nous essayons de développer au maximum l’outil pour répondre à toutes les configurations et tous les contextes. Il y a des zones où les agriculteurs ont accès à l'eau, d’autres pas. Il n’y a pas d’équité sur ce plan-là. »
Le travail est réalisé en collaboration avec un conseiller irrigation et un conseiller arboriculture de la chambre d’agriculture. Chacun apporte sa petite contribution pour créer un outil adapté à tous les producteurs et au territoire alsacien. « Notre objectif avec cet OAD, c'est d’expliquer aux producteurs, en fonction de leur source d’eau et de la distance par rapport à leur parcelle, dans quelle configuration ils seront. Pourront-ils irriguer ou non ? Quel type de système d’irrigation préconiser ? Nous sommes dans la construction d’un outil vraiment complet pour pouvoir accompagner les arboriculteurs alsaciens dans leurs démarches d'irrigation », assure-t-elle.
Être plus efficient
L’accès à l’eau est une problématique à prendre en compte. Tous les producteurs n’y ont pas forcément accès. L’outil doit prendre en considération tous ces paramètres afin d'être le plus juste possible. « Pour être efficient, nous devons combiner les sondes capacitives et apports divers pour que la culture ne soit pas trop gourmande en eau », poursuit-elle. L’objectif serait aussi d’apporter de l’eau aux périodes où les autres cultures n’en ont pas forcément besoin.
Établissement d’un bilan hydrique
Dans un premier temps, l’équipe de Verexal a estimé les besoins théoriques des arbres en eau. « Nous savons ce qu’en théorie la plante consomme mais, parfois, elle ne fonctionne plus normalement, Elle va fermer ses stomates et donc moins consommer. C’est durant cette phase-ci que nous voudrions être les plus précis », note-t-elle.
Actuellement, aucun OAD sur le marché ne pourrait répondre à leurs attentes. « Nous voulons relier la disponibilité en eau par rapport à une zone définie, et apporter un conseil technique aux producteurs. Certains n’ont pas de sondes et doivent quand même avoir les informations », admet-elle.
Développer un tel outil prend du temps et, pourtant, Verexal doit faire vite. Cela répond en effet à des besoins immédiats des producteurs.
Une version test fin 2024
Ce projet de création d’un OAD a débuté en 2022 et il est financé par la station fruitière et en partie par la Région.
« Au départ, il a fallu contextualiser le projet et mieux comprendre nos besoins en eau », explique-t-elle. En effet, contrairement à d’autres régions qui irriguent déjà, l’Alsace avait jusqu’à présent dû s’en passer. « Nous devons aussi analyser ce que nous pouvons mettre en place dans notre verger. Fin 2023, nous avons réalisé les premiers bilans hydriques pour avoir une première base théorique des besoins des cultures », poursuit-elle.
L’OAD est testé au sein du verger Verexal, un verger multi-espèces. L’essai débute sur pommes mais l’objectif est de le démultiplier sur fruits à pépins et à noyau le plus vite possible.
Actuellement, sur le site d’Obernai, deux stagiaires poursuivent le développement de l’outil pour obtenir, d’ici fin 2024, une première version à tester.
