« Le monde agricole doit se montrer accueillant vis-à-vis des jeunes femmes »

Sabine Brun-Rageul, directrice de Bordeaux Sciences Agro

Sabine Brun-Rageul, directrice de Bordeaux Sciences Agro.

Crédit photo BSA
Ancienne directrice adjointe de la Draaf Nouvelle-Aquitaine, Sabine Brun-Rageul dirige depuis 2020 l’école d’agronomie Bordeaux Sciences Agro. Une filière qui a la particularité de compter 70 % de femmes. 

>>> Que représente pour vous le 8 mars et la journée des droits des femmes ? 

Sabrine Brun-Rageul : Il y a deux ans, avec Lydia Heraud, qui est conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine déléguée à la viticulture et aux spiritueux, nous avons créé le Réseau GaïaNA. Cette association est née à la suite d’une table ronde sur l’enseignement agricole où nous avions constaté qu’à part nous deux, il n’y avait que des costumes gris.

Nous nous sommes dit qu’il y avait certainement des choses à faire pour développer la parité dans le monde agricole et favoriser la prise de parole des femmes dans les secteurs de l’agriculture, mais aussi de l’alimentation et de la forêt. 

C’est un réseau qui rassemble des femmes qui travaillent dans le milieu agricole au sens large : agricultrices, viticultrices, salariées d’instances agricoles, d’organismes bancaires, de collectivités élues... Nous organisons des formations pour prendre la parole en public, se préparer à répondre à une interview ou encore pour mettre en œuvre une communication non violente.  

>>> Les femmes ne représentent que 27 % des élèves dans les écoles d’ingénieurs, mais en agro c’est tout l’inverse : elles représentent près de 70 % des effectifs. Comment l’expliquez-vous ?

S. B-R. : On l’explique par un premier facteur qui est le fait que, dès le lycée, les jeunes femmes sont plus attirées par les sciences du vivant. Elles s’orientent ensuite vers des classes préparatoires bio qui permettent d’intégrer nos écoles mais aussi les écoles vétérinaires, très attractives auprès des jeunes femmes.

>>> Vers quels domaines se destinent vos étudiantes une fois sorties de l’école, et quel est leur niveau de rémunération ? 

S. B-R. : Nous avons un excellent taux d’insertion professionnelle puisque dans les six mois suivant leur diplôme, 97 % de nos élèves sont en poste, femmes et hommes confondus. Il y a néanmoins une très légère différence entre femmes et hommes, et nous constatons que ces derniers sont davantage en CDI.  

Les femmes sont sous-représentées dans certains secteurs d’activité, ce qui peut jouer sur leur salaire. Elles sont davantage présentes dans les organisations professionnelles agricoles, l’animation des filières et l’industrie agroalimentaire, tandis que les hommes s’orientent plus vers la production agricole, l’agrofourniture et l’agroéquipement. 

En matière de salaires, un rapport de 2021 indique que sur un premier poste, le salaire des femmes diplômées d’une école d’agronomie est en moyenne inférieur de 4,5 % par rapport aux hommes. Il est en moyenne de 31.806 € contre 33.249 €. Et à deux ans l’écart se creuse à 6,5 %. 

>>> Est-ce que vous coachez vos étudiantes pour qu’elles osent négocier leurs salaires et postuler à des postes à responsabilité ?

S. B-R. : Nous accompagnons autant les jeunes femmes que les jeunes hommes dans leur insertion professionnelle. Nous les conseillons dans la rédaction de leur CV, la manière de se présenter et, effectivement, la négociation de leur salaire. Je passe aussi souvent des messages sur le fait qu’ils sont à bac+5, c’est-à-dire de niveau cadre, et que les employeurs doivent le prendre en compte. 

Il est à noter que dans l’étude que j’ai citée, le salaire n’arrive qu’en 9e position des critères de choix des jeunes diplômés en agronomie. Ils privilégient l’ambiance et le bien-être au travail, ainsi que le fait que le poste soit stimulant et en phase avec leurs valeurs. En ce sens, il est important que le monde agricole, qui est encore assez masculin, se montre accueillant vis-à-vis des jeunes femmes. 

>>> Quels combats féministes voudriez-vous voir progresser dans les années à venir dans le secteur agri-agro ?   

S. B-R. : Plus jeune je n’y étais pas favorable, mais je pense aujourd’hui que les quotas sont utiles pour faire avancer la gouvernance des organisations professionnelles agricoles, que ce soient les coopératives ou les interprofessions. Le nombre de femmes cheffes d’exploitation est en diminution, et il faut faire attention à ce que la place des femmes dans l’agriculture ne s’érode pas plus.

Une étude du MIT a montré qu’il y avait une corrélation entre la mixité au sein des entreprises et leurs performances économiques. Je pense que dans un monde agricole qui se questionne, nous avons autant besoin des hommes que des femmes pour trouver des solutions.

>>> Retrouvez nos articles sur les femmes dans l'agriculture :

1. Trois documentaires sur les femmes en agriculture à avoir vus

2. Un agriculteur sur trois est... une agricultrice

3. Gwennoline Moussière, l’importance de cultiver la tradition familiale

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