Coup de filets sur la « Drosophila suzukii »

La Tapy expérimentation filet cerise

Les quatre installations se distinguent déjà visuellement (1, 2, 3, 4, de gauche à droite).

Crédit photo Alienor Royer
Face à la restriction des moyens de lutte chimique pour contrer Drosophila suzukii en verger, les filets de protection arrivent sur un marché qui s’agrandit chaque année. La Tapy mène des essais depuis 2022, sur plantations en axe libre et en gobelet.

Le passage au verger sous filets est une opération coûteuse pour les producteurs : 30.000 à 60.000 euros/ha hors main-d’œuvre, en fonction de la nature de la structure. La durée d’amortissement, de cinq à dix ans, semble très variable selon la provenance du matériel, aux dires de producteurs. Le coût de production est donc très lié à cette variable.

De plus, leur installation est grandement facilitée sur des vergers palissés, alors que la majorité est encore conduite sur des formes en volume. Il est donc nécessaire de continuer d’approfondir les connaissances sur ces thématiques.

Pour apporter des réponses concrètes sur la durabilité et l’efficacité des filets disponibles sur le marché, un essai a démarré en 2022 sur le Domaine expérimental La Tapy. Le verger sur lequel est positionnée l’expérimentation est conduit en axe libre et composé de deux variétés : Belge (variété de saison) et Régina (variété tardive) sur Maxma 14, un porte-greffe vigoureux.

Quatre filets de trois fournisseurs différents ont été mis en place, chacun sur un rang de 36 m, dans le courant de l’hiver 2021-2022. Ils sont installés avec le matériel disponible chez leurs fabricants respectifs et ils sont tous équipés d’une protection contre la pluie.

90 h/ha de manipulation

En 2022, première année de l’essai, la manipulation des filets a nécessité 90 h/ha de travail (temps pour une personne avec une nacelle) pour chaque intervention : fermeture après floraison des arbres puis ouverture après la récolte pour venir enrouler le filet sur le haut du faîtage afin d’assurer sa protection l’hiver. Les temps de travaux sont sensiblement identiques pour les différentes installations.

Pour ce qui est de la protection, un seul traitement insecticide (Exirel® à 0,75 l/ha) a été réalisé sur les modalités couvertes afin de s’assurer d’assainir les rangs après la fermeture des filets. Sur la référence chimique qui sert de témoin positif, ce sont quatre traitements insecticides qui se sont échelonnés tout au long de la maturation des fruits : un Exirel® (0,75 l/ha) à 21 jours de la récolte, un Imidan (1,5 kg/ha) à 14 jours de la récolte, un Karaté Zéon (0,11 l/ha) à 7 jours de la récolte et enfin un dernier Exirel® (0,75 l/ha) à 3 jours de la récolte.

 

Adapter les filets sur des formes en volume

À la récolte, des fruits sont prélevés sur l’ensemble des rangs et triés en fonction de leur état sanitaire. Quelques fruits piqués sont certes observables sur les modalités filets, mais ces dégâts restent faibles puisqu’ils oscillent entre 1 % et 3 % des fruits attaqués par Drosophila suzukii. Ces observations sont sûrement imputables au grand nombre d’allers-retours réalisés durant la saison sous les filets pour relever les pièges, les sondes et suivre le développement de la végétation.

Pour autant, les modalités sous filets sont d’une qualité sanitaire statistiquement supérieure à celle du rang mené en protection fruitière intégrée (PFI) où le taux moyen de dégâts s’élève à 6 %. Le gain apporté par ces protections est donc perceptible sur l’année 2022.

Un autre axe d’étude est travaillé sur la station : l’adaptation des filets sur des vergers menés en gobelet. Cette problématique est étudiée dans un essai depuis 2017. Les arbres d’une parcelle plantée entre 2003 et 2004 ont été restructurés pour permettre d’accueillir un monoparcelle couvrant 7 rangs et 2 mono-rangs, tout avec du filet alt-droso. Ces modalités sont comparées à un témoin conduit en PFI. L’essai est réalisé sur deux variétés : Summit (variété de saison) et Belge (variété tardive) sur Maxma 14, un porte-greffe vigoureux, plantées en 5 par 6 mètres.

La gestion phytosanitaire de cet essai est la même que pour le précédent : un seul insecticide appliqué après floraison lors de la fermeture pour les modalités sous filet en opposition avec une référence conduite en PFI sur lequel s’échelonnent quatre traitements insecticides tout au long de la maturation.

Si les piégeages confirment la présence de Drosophila suzukii sur la parcelle, elle reste néanmoins quasi absente sous les filets. Sur l’ensemble des cinq années d’essais menés jusqu’à maintenant, le taux de dégâts sous les filets a toujours été inférieur ou égal à ceux observés dans les rangs traités de manière conventionnelle.

Dégâts de drosophile La Tapy CTIFL
La réduction des traitements n’engendre pas d’augmentation des dégâts sous filets.
Crédit photo : Aliénor Royer

Comme nous le montre le graphique, en 2021, les dégâts sur le témoin traité en PFI ont atteint respectivement 5 % sur la variété Belge et 21 % sur la variété Summit. Inversement, les dégâts sous filets ne dépassaient pas 2 %. En 2022, la décision a été prise de récolter les modalités sous filet 5 à 6 jours après le témoin PFI afin de tenter de gagner en calibre et en qualité à la récolte. Les dégâts semblent donc légèrement plus élevés sous les filets (4 % sur Belge et 5 % pour Summit) en comparaison avec le témoin (3 % pour Belge et 1 % pour Summit).

Ces différences ne sont cependant pas assez marquées pour que les tests statistiques permettent de discriminer les différentes modalités de l’essai. Tout du moins, les filets ont permis en 2022 une certaine flexibilité quant au choix de la date de récolte afin d’optimiser la qualité de production, une mesure compliquée à mettre en place dans le cadre d’une protection de type PFI.

Cette étude ne se limite pas à la protection phytosanitaire de la parcelle. Le suivi inclut des notations pour évaluer la qualité et la quantité de la récolte. Si, la première année, les rendements ont été impactés par le rognage nécessaire à l’installation des filets, à compter de la deuxième année, les niveaux de production sont revenus à la hauteur de ceux précédant la taille importante des arbres (12 t/ha en moyenne pour les deux variétés). Concernant la qualité des fruits (calibre, taux de sucre, fermeté, acidité…), elle n’est pas modifiée par l’installation des filets, tout comme le développement végétatif des arbres.

Réduire la surface couverte

Dans le cadre du projet DS2, porté par le CTIFL, 18 essais ont été menés sur trois sites différents afin d’évaluer l’efficacité des filets périphériques pour se protéger contre Drosophila suzukii en verger de cerisiers. Les structures concernées entourent des parcelles d’une surface moyenne de 2.500 m2 à titre expérimental. Les filets anti-insectes étaient combinés à des stratégies phytosanitaires complètes ou partielles.

La Tapy expérimentation filet haie
La haie située sur le bord de la parcelle constitue une porte d’entrée de la mouche dans le filet.
Crédit photo : Alienor Royer

Les performances des vergers et le suivi des structures ont permis de mener une première analyse économique réalisée par la chambre d’agriculture du Vaucluse en 2022. Cette dernière établit un coût moyen de 29.096 €/ha pour la mise en place d’une telle structure (dont 15.600 €/ha de matériel et 13.496 €/ha de main-d’œuvre pour l’installation) pour un coût annuel de 4.256 €/ha en prenant en compte l’amortissement.

Cependant, seuls quatre des essais réalisés dans le cadre du projet ont permis de conclure à un gain économique à la récolte grâce à la protection du filet périphérique. Ce gain est de plus très variable, oscillant entre 248,90 €/ha et 1.498,90 €/ha et l’on ignore encore si ces résultats seraient extrapolables à des structures plus vastes. Ce moyen de protection doit donc encore être étudié pour mieux le combiner à d’autres moyens de protection afin d’aboutir à une stratégie viable et efficace.

Pour conclure, ces différents suivis ont vocation à être poursuivis pendant les prochaines années avec en particulier l’ajout de filets, l’évaluation des impacts des différentes protections anti-pluie et des conséquences sur le développement végétatif des arbres… De nombreuses données d’intérêt sont ainsi encore à collecter sur ces parcelles.

>>> Lire aussi : Technique de l’insecte stérile (TIS) : résultats nuancés sur fraise

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