Comment sortir les produits agricoles et alimentaires des négociations commerciales annuelles ?

Un nouveau cadre légal va-t-il encadrer les négociations commerciales pour les produits alimentaires ? Photo : bodnarphoto
L’amendement Moreau aura sans aucun doute été celui qui a fait couler le plus d’encre et qui a donné lieu au plus grand nombre d’interviews dans le cadre de l’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
 
La raison en est très simple : personne ne s’attendait à une telle révolution car il ne s’agirait pas en effet d’une modification cosmétique, mais d’une vraie modification juridique et commerciale.
 

Relations commerciales : rappel de l'existant

À ce jour, un cadre contractuel formel est prévu sous peine de sanction administrative lourde (375 000 € pour chacun des deux acteurs : le fournisseur/le distributeur) dès lors qu’un fournisseur vend des produits à un distributeur tel qu’une grande surface alimentaire. Ce cadre légal qui existe, non pas depuis la LME du mois d’août 2008 mais depuis bien avant (la LME n’a fait qu’institutionnaliser en quelque sorte un cadre contractuel connu depuis la fin des années 80/90), est destiné à sécuriser la relation commerciale et économique entre un fournisseur et un distributeur, en prévoyant des contreparties aux différents avantages financiers que le fournisseur va devoir verser à son client distributeur, qu’il s’agisse de remises ou de ristournes ou de rémunération de services de coopération commerciale ou de tout autre service rendu par le distributeur.
Ce cadre légal est effectivement, comme le souligne le député Jean-Baptiste Moreau, à l’origine de vrais psychodrames car il est absolument nécessaire de se mettre d’accord au plus tard le 1er mars.
Pour autant, supprimer ce cadre légal serait extrêmement dangereux, et ouvrir la « boîte de Pandore » aura des conséquences qui pourraient être absolument désastreuses pour les plus petits fournisseurs.

Quels conséquences ?

Le cadre légal actuel a certainement de très nombreuses imperfections mais à tout le moins, il a le mérite d’exister et de contraindre à une contractualisation écrite annuelle, voire biennale ou triennale depuis la loi Sapin II du mois de décembre 2016.
Le supprimer nécessite qu’il soit ipso facto remplacé par un nouveau cadre légal sauf à considérer qu’étant effectivement dans une économie libérale, les acteurs économiques sont assez grands et responsables pour ne pas avoir besoin d’un cadre contractuel contraint ; il est vrai que dans les pays anglo-saxons notamment, ce cadre légal n’est absolument pas prévu et pourtant nous retrouvons des fournisseurs d’un côté et des distributeurs alimentaires de l’autre.
 
Néanmoins, le paysage de la distribution alimentaire française avec quelques grandes centrales d’achat ou de référencement qui font « la pluie et le beau temps » regroupées au sein d’alliances à l’achat nécessite de bien réfléchir avant de supprimer ce cadre légal ou bien alors s’il doit être supprimé, qu’on lui substitue un nouveau cadre légal qui pourrait prendre la forme d’une extension du champ d’application de l’article L.441-2-1 du Code de commerce qui ne s’applique aujourd’hui qu’à certaines catégories de produits telles que les fruits et légumes vendus à l’état frais, les œufs ou le miel, les viandes fraîches, congelées ou surgelées de volaille et de lapin.
 
L’intérêt d’une telle solution serait d’utiliser un cadre légal qui existe d’ores et déjà puisqu’il est issu de la loi sur le développement des territoires ruraux de 2005 pour en étendre simplement son champ d’application ; or, ce cadre légal est intéressant dès lors qu’il prévoit également la notion d’engagements qui doivent être souscrits par le client du fournisseur de produits agricoles en contrepartie des avantages financiers qui lui sont consentis.
La question posée est bien entendu celle du renforcement dans ce cas de ce texte et par ailleurs de l’absence de temporalité du contrat car effectivement l’article L.441-2-1 du Code de commerce ne prescrit pas de durée ni minimale ni maximale contrairement aux dispositions des articles L.441-7 (distributeurs vendant aux consommateurs) et L.441-7-1° (ces dernières dispositions s’appliquant aux négociants-grossistes - BtoB) avec une durée d’une année, deux années, voire de trois années ; point de date non plus butoir pour contractualiser. Il faut bien réfléchir à cette absence de durée du contrat et de date butoir de signature, sachant que dans l’hypothèse où ce contrat durerait néanmoins plus de trois mois, alors les dispositions de l’article L.441-8 du Code de commerce en cours de modification par le Parlement (prévoyant une clause de revoyure dans les contrats portant sur certaines denrées alimentaires ou agricoles) seraient susceptibles de s’appliquer.
 
La question du tarif du fournisseur se poserait également car l’article L.441-2-1 du Code de commerce est à cet égard très léger en termes d’obligation.
 
Une autre solution serait naturellement de réécrire complètement le dispositif légal s’appliquant à la relation commerciale nouée entre un fournisseur de produits agricoles ou alimentaires et son distributeur ; le temps est néanmoins compté pour partir d’une telle page blanche car ce projet de loi sera examiné devant l’Assemblée nationale dès le 22 mai prochain, soit dans une quinzaine de jours à présent et par la Commission des affaires économiques du Sénat dès la fin mai.
 
Affaire à suivre … (rapidement).

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