Quand la profession dénonce la francisation

Le 20 décembre dernier, à Saint-Martin-de-Crau dans les Bouches-du-Rhône, avait lieu l’Assemblée Générale constitutive de l’association « SOS vergers d’ici », dont le double enjeu est de lutter contre la fraude à la provenance (en demandant aux pouvoirs publics de faire appliquer la loi pour éviter la francisation des fruits introduits sur le territoire français) et d’obtenir des compensations aux distorsions de concurrence intra-européenne (ou une harmonisation européenne du coût de production). « SOS vergers d’ici » représente des producteurs de pêches, nectarines, abricots et kiwis qui ont accepté de signer une charte. Selon le communiqué de presse, l’objectif de l’association n’est pas de diviser la profession en montrant du doigt les fraudeurs réels ou supposés, mais de resserrer les rangs des arboriculteurs dont le but principal est de produire en France des fruits de qualité. L'association rappelle que tout producteur est libre de compléter sa production par des achats ou des productions à l’étranger, toutefois si cela  devient  l’objectif principal de son exploitation ou de sa société commerciale, si la marge est  effectuée principalement par l’import, c’est la vocation même d’agriculteur qui disparait.  «  La francisation tue notre profession et ce sont souvent les acteurs de la filière qui s’en chargent. Les distorsions sur la main d’œuvre tuent  notre profession et ce sont l’Etat et les lois sociales qui s’en chargent. »

 

Patrice Vulpian @ F.

Interview de Patrice Vulpian, président de SOS Vergers d’ici
« La francisation est un problème souterrain »
Producteur de pêches et de foin de Crau dans les Bouches-du-Rhône, Patrice Vulpian a été élu président de « SOS Vergers d’ici ». Pendant 10 ans, il a siégé à la commission environnement de la FNSEA.

L’Arboriculture fruitière : Pourquoi avoir créé cette association en marge des organisations syndicales existantes ?
Patrice Vulpian : Parce qu’il est temps de combattre un certain laxisme… Aucune instance nationale ne parle librement et suffisamment de ce problème souterrain qu’est la francisation : c’est un sujet délicat sur lequel on peut difficilement travailler au travers des organisations syndicales existantes. J’ai un passé syndical important, et je ne me suis jamais senti défendu à ce sujet…  Il nous a semblé essentiel de dénoncer certains problèmes. Le terme « Vergers d’ici » que nous avons choisi n’est évidemment pas anodin : il fait référence aux initiatives  de  la FNPF (Fruidissi) et de Pêches et nectarines de France (Pêche d’ici). Mais ce n’est pas une marque... Et le jour viendra où nous nous rapprocherons des organisations syndicales, qui, à mon avis, ne se rendent pas encore compte de l’ampleur du danger

Qui est à l’origine de « SOS Vergers d’ici » ?
L'association a été créée à l’initiative d’arboriculteurs du Languedoc-Roussillon, de la vallée du Rhône et de Paca. Tous ont été alarmés par la dérive exponentielle de la francisation des fruits espagnols. Cet été, au cours d’une présentation variétale au CTIFL de Balandran, un producteur avait osé prendre la parole à ce sujet de manière très franche. Petit à petit, nous nous sommes rendus compte de l’importance du problème : plus on en parle, plus les gens semblent concernés. L’an dernier, en pêches, on a perdu au moins 10 centimes au kilo sur l’ensemble de la saison à cause de ça. Tout allait bien jusqu’à la mi-juillet où des offres de prix bien trop bas sont sorties de nulle part : les gens en sont bien conscients.
 

En quoi la francisation est, selon vous, un sujet plus délicat que les autres ?

C’est un problème très délicat car il se développe à l’intérieur de la profession, peu importe que les gens fassent ça pour survivre ou par pur opportunisme. C’est une pratique qui s’exerce des sociétés d’import à celles de courtage en passant par les producteurs expéditeurs et les coopératives. La fraude s’effectue soit directement, soit par des intermédiaires qui semblent dédouaner les acheteurs de toute vérification de la provenance en émettant des factures françaises…

Un  de vos vice-présidents, Marc Marty, est le porte-parole des coopératives de La Melba et de La Jardinière au sein de l’association…
Oui, Marc Marty a été désigné par ces deux coopératives, de 7 000 tonnes chacune, pour les représenter. Les coopératives sont tout aussi inquiètes et concernées par le sujet que des producteurs indépendants. « SOS Vergers d’ici » n’est pas constituée de producteurs qui se battent « à la Don Quichotte » ! Et puis nous commençons à être significatifs : en pêches, par exemple, nous représentons 50 000 tonnes sur les 250 000 de la production annuelle nationale.

Que nous proposez-vous pour régler le problème ?
Pour l’instant, on essaye de se regrouper afin d’évacuer au maximum les fantasmes et de mieux nous serrer les coudes. Nous voulons rassembler nos forces pour faire pression sur les pouvoirs publics et que ces derniers multiplient massivement les contrôles. Qu’on interdise, par exemple, le croisement des fruits français et d’origine étrangère dans les stations, un peu comme on fait avec le bio et le conventionnel… Que chaque camion soit contrôlé… Que les MIN, aussi, soient contrôlés, qu’on mette en place des cartes de producteurs… Il y a plein de leviers que pourraient actionner les pouvoirs publics s’ils s’engageaient à nos côtés !

Propos recueillis par Fleur Cattin-Masson

 

SOS Vergers d’ici
La charte à signer

-       Produire et commercialiser des fruits français,
-       Ne faire aucune fraude à la provenance,
-       Pouvoir tracer toute marchandise vendue,
-       Déclarer chaque année sa production commercialisée en tonnage,
-       Fournir chaque année sa surface en production par espèces concernées et la localisation de chaque vergers (lieu dit, ville, adresse, nom de domaine),
-       Déclarer ses surfaces et sa production à l’étranger en époque et en masse,
-       Déclarer ses achats de fruits et leur origine.
Note : Tous  les chiffres à fournir sont annuels et déclaratifs. L’objectif n’est pas d’empiler des obligations administratives. L’association est ouverte à tous ceux qui, après avoir été agréés par le conseil d’administration, sont prêts à signer la charte.

Contact : Association « SOS Vergers d’ici ». BP 60 036. 13 551 Saint-Martin-de-Crau cedex. sos.vergersdici@orange.fr

 

Droit de répo

nse : la FNPF réagit
« Le problème n’est pas nouveau »

« Le problème de la francisation des produits n’est pas nouveau. La FNPF le dénonce régulièrement. En tout état de cause, à chaque fois que des producteurs lui en apportent les preuves, elle fait le nécessaire auprès des autorités de la concurrence et de la répression des fraudes. C’est cela la force d’un réseau et c’est bien le rôle du syndicalisme agricole que de défendre les intérêts des producteurs de fruits, de tous les producteurs de fruits, quel que soit le sujet qui les menace. C’est dans le même esprit qu’elle demande le renforcement des contrôles afin que nous ne soyons par exemple pas accusés de dépassements de Limites Maximales de Résidus à cause de produits qui auraient été francisés. Parallèlement, lorsque nous construisons Fruidissi, c’est aussi pour redonner la valeur à nos produits et au consommateur, faire connaître nos engagements. Il ne faudrait effectivement pas que des pratiques délictueuses mettent en péril ce long travail. Enfin, cette pratique de francisation révèle d’autres problématiques comme les distorsions de concurrence en matière de production qu’elles soient d’ordre fiscale, sociale, technique, phytosanitaire, ... C’est pourquoi la FNPF se bat au quotidien pour réduire les avantages comparatifs des uns par rapport aux autres afin qu’au moins au sein de l‘Union européenne, nous soyons tous réellement dans le même bateau. L’abaissement du coût du travail saisonnier que la FNPF a obtenu en 2010, est un premier pas vers le rééquilibrage. Il est malheureusement insuffisant. La bataille se poursuit donc. »

NDLR : le problème de la francisation a été évoqué au cours du congrès de la FNPF, les 26 et 27 janvier derniers. Selon Contance Maréchal-Dereu, représentante de la DGCCRF sollicitée à ce sujet, des contrôles sont effectués sur le terrain à la suite de remontées d’informations, mais les moyens humains existant ne permettent pas une éradication de l’ensemble des fraudes à la provenance.

 

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