Interview de René Reynard : "Redonnons le pouvoir au producteur !"

Pour René Reynard, l'essentiel est de se concentrer sur l’amélioration des résistances des variétés existantes, tout en cherchant des nouvelles variétés résistantes.

René Reynard est président de l’AOP nationale raisin de table. Arboriculteur à Mazan, dans le Vaucluse, il fait le point sur la situation économique de la filière et regrette des modèles d’organisation qui laissent parfois peu de place à la gouvernance professionnelle. Il s’interroge également sur les axes de recherche développés en termes de création variétale : faut-il élargir la gamme ou travailler sur la résistance aux maladies des variétés traditionnelles ?

L’Arboriculture fruitière : Comment se porte la filière raisin de table cette année ?
René Reynard : La saison n’est pas encore finie, on est sur le point d’attaquer le frigo !  Globalement, quantitativement et qualitativement, la saison aura été moyenne. Elle a démarré avec 15 jours d’avance, avec un climat qui a bien convenu à la période de floraison. Mais les températures avoisinant les 40°C qui ont été celles du mois de juillet, en pleine véraison, ont conduit au développement de beaucoup de raisins flétris… d’où la nécessité de ciseler. Les coûts de cueillette élevés que nous avons eu cette année n’ont pas été compensés par la hausse, modeste, des prix en cours de saison. Les températures très élevées du mois d’août ont également contribué à un blocage de la maturité et ont donné naissance à des difficultés sur la coloration des raisins noirs. Il manque donc un peu de couleur au Muscat cette année…Le marché n’a pas été trop défavorable, avec une distribution qui a favorisé l’origine France et aucun blocage à l’écoulement : il faut dire que, en dix ans, nous avons perdu plus de la moitié de notre potentiel de production, qui avoisine aujourd’hui les 50 000 tonnes, et que nous avons eu une petite production cette année. On a très peu de raisin au frigo : c’est dommage, si on avait eu la qualité de faire du stock, on aurait pu s’attendre à une remontée des prix sur la fin de saison.

Les producteurs et OP du sud-ouest ne sont pas dans l’AOP raisin de table. Comment l’expliquez-vous ?
L’adhésion à l’AOP est tout à fait libre et volontaire ! La politique régionale du Sud-ouest, sous l’impulsion des metteurs en marché, coopératifs ou non, n’est peut-être pas compatible avec ce que  nous défendons à l’AOP. Certaines structures du Sud-ouest ont des stratégies d’entreprise très fortes, avec des producteurs dont la représentation économique s’affaiblit. Ces derniers, en n’adhérant pas à l’AOP nationale, n’ont pas accès à certaines informations sur le marché. Je le répète : l’adhésion à l’AOP est libre et volontaire. De manière générale, je pense que notre filière souffre de ce  renforcement de l’organisation économique dont on nous rebat les oreilles : les grosses structures ont des talons d’Achille économiques catastrophiques. Le fonctionnement des structures doit rester au niveau de l’humain. Un producteur doit pouvoir rencontrer le directeur de son OP sans prendre de rendez-vous ! Sinon, c’est une perte de pouvoir de la production. La filière devrait se restructurer via des petites structures à taille humaine !

En termes de création variétale, l’heure est à la diversification et au développement de variétés nouvelles. On reproche cependant à la profession d’être un peu traditionaliste dans ses choix de plantation. Qu’en pensez-vous ?
Je suis assez frileux sur le sujet du développement des variétés apyrènes, aux couleurs et aux formes variées… L’essentiel, à mon sens, est de nous concentrer sur l’amélioration des résistances des variétés existantes, tout en cherchant des nouvelles variétés résistantes. Le reste  n’est que marché de niche, or, l’AOP est là pour défendre les intérêts de toute la filière...  Il est plus urgent à mon sens de travailler à réduire nos coûts de production. 

Ces variétés nouvelles ont pourtant été testées sur le grand public : les gens les apprécient, elles correspondent aux évolutions du marché.
Sans doute. Mais les consommateurs achètent ce qu’on leur propose. Avec l’AOP, nous travaillons en partenariat avec l’Institut français de la vigne et du vin sur la résistance aux maladies des variétés traditionnelles. Certains de nos programmes de recherche devraient aboutir bientôt.

Quels sont vos autres projets avec l’AOP ?
Nous communiquons beaucoup aujourd’hui sur la production fruitière intégrée, avec la mise en place d’un nouveau logo. Nous cherchons à optimiser la charte PFI nationale raisin : perfectionner les contrôles et les itinéraires techniques pour que les producteurs arrivent à proposer des produits garantis sans pour autant entrer dans des démarches administrativement lourdes ou incohérentes. Les possibilités de développement en PFI ne sont pas uniquement liées à une réduction des intrants : il faut aussi améliorer la qualité du fruit et des itinéraires techniques. A ce propos, la filière raisin de table est déjà parvenue à l’objectif fixé par Ecophyto pour 2018 : nous avons, en dix ans, diminué par deux notre utilisation des produits phyto… avec la disparition de 50% de nos surfaces de production !

Propos recueillis par Fleur Masson
 
Alexandra Lacoste, directrice de l’AOP
« Une campagne active mais difficile »
 

Alexandra Lacoste est la directrice de l’AOP nationale raisin de table. Elle explique que la saison a démarré difficilement avec les variétés précoces. « Proposer du précoce est important pour nous et intéressant pour les commerciaux. Nous voulons nous positionner rapidement sur le marché à la place de la variété espagnole Vittoria. Mais les habitudes de fonctionnement de la grande distribution sont particulièrement complexes à faire évoluer au mois d’août ! Les chefs de rayon sont en vacances et les stagiaires qui les remplacent préfèrent se calquer sur les années précédentes, optant alors pour des apports de Vittoria ». Un écoulement difficile, donc, pour Prima et Cardinal, qui débarquent également sur un marché sursaturé en melons, pêches, nectarines…Tout comme Prima, Centennial est une variété à lancer : « La variété Centennial est particulière, et mal connue par les agréeurs et les chefs de rayon. L’an passé, nous avons travaillé avec La Tapy et le CTIFL sur l’élaboration de fiches d’agréage, à destination des agréeurs d’enseignes, pour leur faire comprendre que les petits tâches marron qu’on observe souvent sur les grains ne sont en aucun cas des défauts ! »Si la demande a été bonne en cœur de saison sur les variétés noires, il n’en a pas été de même sur le Danlas qui a souffert de beaucoup de promotion sur l’Italia. « Il est difficile aujourd’hui, pour des variétés blanches, de concurrencer l’Italia. Qui plus est, les enseignes sont fileuses dès qu’il s’agit de proposer du Danlas, car les consommateurs n’hésitent pas à en acheter en le faisant passer, aux caisses, pour de l’Italia qui est beaucoup moins cher ! »

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