« L’humain est au cœur de la gestion de cette crise »

Didier Crabos, directeur de Cofruid’Oc, salue la mobilisation des acteurs de la filière et de la distribution qui a permis à l’asperge de sortir de crise. Photo : L. Teethen/Pixel6TM
Spécialiste de la pomme et de l’asperge, la coopérative héraultaise Cofruid’Oc a dû modifier son organisation pour poursuivre ses activités en cette période de Covid-19. Son directeur, Didier Carbos, détaille ces changements et analyse pour nous les marchés.
 
Quels ont été les impacts de cette crise sanitaire sur l’organisation des activités au sein de votre coopérative ?

Didier Carbos : Dès les premières annonces gouvernementales, certains personnels, notamment dans les services administratifs, ont basculé vers le télétravail. Mais au sein même de la station, il nous a fallu nous réorganiser pour permettre la continuité de l’activité tout en respectant les gestes barrière. Nous avons modifié certains espaces, revu les trajets pour éviter les croisements
Mais, il n’y a pas que des questions « pratiques », il y a aussi beaucoup d’humain dans la gestion de cette crise. Dès les premiers jours, nous avons ressenti chez nos salariés de l’inquiétude, de l’incertitude, voire de la peur. Il a fallu les rassurer tout en leur expliquant bien que nous faisons partie de ces entreprises dont l’activité est indispensable pour assurer l’approvisionnement alimentaire de la population. Nous avons également été énormément à l’écoute de nos équipes. C’est d’ailleurs sur leur demande que nous sommes passés en journée continue. Cela leur permet de finir leur journée plus tôt et de concilier au mieux leur vie professionnelle et leur vie familiale, elle aussi fortement bouleversée en période de confinement.
Actuellement, les choses se passent très bien et ce qui nous rassure c’est qu’à ce jour aucun de nos salariés n’a été atteint pas le coronavirus. En revanche, nous devons faire très attention à ne pas relâcher la vigilance !
 
La crise du Covid-19 a débuté quasiment en même temps que la saison des asperges. Vous qui êtes le premier opérateur du sud-est de la France, comment avez-vous vécu la situation ?

D. C. : Chez Cofruid’Oc, nous commercialisons habituellement 250 tonnes d’asperges par saison et nous avons depuis longtemps choisi de nous positionner sur des produits haut de gamme, avec l’asperge blanche de Camargue, ou bien la Sauvageonne, notre asperge verte premium. Quand les restaurateurs, qui représentent une part importante de nos débouchés, ont dû fermer leurs établissements, ça a donné un grand coup de frein. Puis la filière a été fortement impactée par la fermeture des marchés. En seulement quelques jours, le produit a perdu la moitié de sa valeur. Dans ces conditions, certains producteurs ont préféré sacrifier leur récolte, tellement la situation était catastrophique.
Mais je tiens à saluer la mobilisation de tous les acteurs de la filière : l’AOP, Felcoop, Interfel… qui nous a permis de remonter très rapidement les problèmes du terrain. C’est grâce à cette dynamique que l’asperge a pu être déclarée en crise conjoncturelle dès le 23 mars dernier1.
La distribution a été un acteur majeur pour sortir de cette crise puisque les enseignes se sont engagées, comme elles l’ont fait pour la fraise, à mettre en avant la production française.
De plus, la récente vague de froid a permis de freiner un peu la production. Tous ces facteurs corrélés ont permis de relancer le marché et c’est un soulagement. En revanche, nous regardons de près la météo des prochains jours dans l’ensemble des bassins de production. Car il reste à voir si le marché, qui semble avoir regagné en fluidité, est en capacité d’absorber une offre plus conséquente.

Qu’en est-il du marché de la pomme ?

D. C. : L’arrêt des activités de restauration collective et de restauration rapide2 a freiné légèrement l’activité mais, globalement, cela nous préoccupe moins. Il faut savoir qu’on a perdu plus de 20% de productivité en station, en raison des changements de pratiques et d’un effectif réduit puisque certaines personnes sont en arrêt pour garde d’enfant. Mais les équipes sont mobilisées pour honorer les commandes. On note aussi une augmentation de la demande de produits préemballés. Cela semble rassurer les consommateurs en cette période de Covid-19.
Nous sommes plus inquiets sur les questions de transport. Ne trouvant pas forcément de marchandises pour le trajet du retour, les transporteurs nous facturent plus cher leurs prestations. On ne parle même pas du grand export que nous avons pour l’instant abandonné car il y a beaucoup trop d’incertitudes notamment dans les ports.
 
Du côté de vos producteurs, comment vivent-ils cette période exceptionnelle ?

D. C. : Bien évidemment, ils se sont rapidement adaptés en mettant en place les gestes barrière au niveau de leur exploitation. Nous continuons à leur assurer un suivi en verger même si, désormais, nos techniciens sont amenés à se déplacer seul dans les parcelles.
Je dirais que leur inquiétude principale concerne la main-d’œuvre saisonnière. Les besoins pour l’éclaircissage manuel sur les variétés les plus précoces vont bientôt se faire ressentir. On sait que beaucoup de personnes se sont inscrites sur des plateformes pour venir travailler dans des exploitations. Je pense que ça part beaucoup d’un sentiment de sympathie et de soutien envers la profession et c’est une bonne chose. Mais comment cela va s’inscrire dans la durée – car cette situation est amenée à durer –, cela interroge nos producteurs. Car il ne faut pas se voiler la face : il n’y a pas que le côté bucolique de travailler à l’extérieur, le travail au verger reste un métier physique qui doit parfois s’exercer dans des conditions météo rudes. Les gens sont-ils prêts à s’impliquer ? Et il faudra aussi être en mesure d’intégrer ces nouvelles personnes dans l’entreprise sans déstabiliser le reste de l’activité de l’exploitation. Il ne suffit pas de rapprocher deux chiffres, celui des besoins en main-d’œuvre et celui des personnes qui proposent leur aide. Dans la réalité, l’équation est bien plus compliquée et il faudra malgré tout la résoudre…

(1) L’asperge est officiellement sortie de crise conjoncturelle le 3 avril dernier.
(2) Cofruid’Oc fournit les fruits pour les sachets de pommes tranchées proposés par McDonald’s.

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