Mieux connaître la sensibilité aux maladies et ravageurs des différentes variétés d’arbres fruitiers, c’est important : cela permet de mieux choisir les variétés à planter tout en raisonnant davantage sa protection phyto. L’Arboriculture fruitière a rencontré 3 expérimentateurs qui travaillent sur cette problématique depuis une dizaine d’années. Ils explicitent leur démarche ainsi que le lancement de fiches en partenariat avec le magasine.
L’Arboriculture fruitière : Les sensibilités variétales sont déjà connues. Quelles sont donc les raisons qui vous ont incité à mettre en place ces recherches ?
Laurent Brun : Les observations réalisées sur les variétés cultivées depuis de nombreuses années permettent de se faire une idée de la sensibilité variétale en fonction des échecs de protection observés. Certaines variétés sont ainsi jugées très sensibles à telle maladie ou tel ravageur, alors que d’autres sont jugée moins sensibles. Cependant, cette information n’est, en général, pas disponible pour les variétés récentes. De plus, une description précise des moindres sensibilités permettrait d’adapter le niveau de protection phytosanitaire. Nous avons en effet démontré qu’il était possible de diminuer le nombre de traitements phytosanitaires sur les variétés peu sensibles (voir L’Arboriculture fruitière, N°641, octobre 2009).
Claude-Eric Parveaud : En agriculture biologique, cette question de la sensibilité variétale nous semble fondamentale car les traitements phytosanitaires sont plus limités qu’en agriculture conventionnelle. Ainsi, dès 2002, un projet de recherche financé par le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche nous a permis de concevoir un essai multi-site en réseau, associant le Grab, le Gabnor, le Cirea et l’Inra, pour évaluer le comportement de variétés de pommiers et de poiriers en vergers biologiques sous faible niveau d’intrants.
Vincent Mercier : Puis trois autres projets de recherche, également financés par le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, nous ont permis d’élargir les travaux sur les sensibilités variétales à l’abricotier et au pêcher en collaboration avec la Sica-Centrex, la Sefra, le CEHM et le CTIFL.
Qu’est-ce qu’une variété peu sensible ?
V. M.: Une variété dite « peu sensible » est une variété sur laquelle une maladie (ou un ravageur) se développera moins vite que sur une variété « sensible ». On parle de résistance partielle (ou de résistance quantitative) pour qualifier la résistance de ces variétés peu sensibles. On voit donc que la caractérisation du niveau de sensibilité ne pourra se faire que par comparaison avec un témoin sensible.
L. B. : Il ne faut pas confondre la notion de résistance partielle avec celle de tolérance. Par définition, une variété est dite tolérante à une maladie si pour une même quantité de maladie le rendement agronomique est peu affecté par comparaison à une variété peu tolérante.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Quelles mises au point méthodologiques et quels dispositifs expérimentaux avez-vous développés ?
C.-E. P. : Nous avons observé que le classement des variétés de pommiers pour leur sensibilité à la tavelure dépendait des sites. En effet, les souches de tavelure et les comportements variétaux diffèrent d’un site à l’autre et ces variations ont un effet marqué sur la sensibilité finale observée. D’autres causes de variations inter-site ont été mises en évidence également. Il nous apparaît donc essentiel de concevoir l’évaluation des sensibilités variétales selon des dispositifs expérimentaux multi-sites pour évaluer ces interactions entre variétés et populations de maladie présentes sur chaque site.
L. B. : Nous avons également observé que les dégâts dus à une maladie ou un ravageur n’étaient pas homogènes au sein de la parcelle expérimentale. Il faut donc concevoir un dispositif qui prenne en compte cette variabilité au sein de la parcelle par la présence de répétitions et/ou de variétés sensibles réparties dans tout le dispositif pour multiplier et homogénéiser l’inoculum.
V. M. : Dans certains cas, le développement d’une maladie nécessite une concordance entre le stade de sensibilité de la variété et les conditions climatiques favorables aux contaminations. C’est par exemple le cas pour les attaques de monilioses sur la fleur d’abricotier qui nécessitent des conditions humides pendant la floraison. Ainsi, une variété sensible fleurissant durant une période sèche pourrait apparaître peu sensible à tort. Pour éviter cet écueil, il faut multiplier les années d’observation et vérifier que toutes les variétés ont bien reçu de la pluie durant leur floraison.
Malgré ces difficultés méthodologiques, avez-vous obtenu des résultats ?
C-E. P. : Oui ! Ces dispositifs peu traités ont également permis d'observer à nouveau des maladies habituellement contenues par les traitements fongicides (comme la tavelure sur abricotier), et donc d'acquérir plus d'informations qu'attendues au départ !
L. B. : Tout d’abord nous avons mis au point une partie des aspects méthodologiques permettant d’évaluer les sensibilités variétales. Puis nous avons pu caractériser et classer les sensibilités variétales des variétés étudiées dans nos dispositifs. C’est pour cela que nous nous associons à L’Arboriculture fruitière pour présenter et valoriser ces résultats sous la forme de fiches « Sensibilité variétale aux maladies et ravageurs ». Chaque fiche présentera, de manière synthétique, pour un couple « espèce cultivée/ maladie (ou ravageur) » des éléments sur la biologie et l’épidémiologie du bio-agresseur, sur la méthodologie expérimentale et sur les principaux résultats. Pour lancer cette série, la première fiche traitera de la sensibilité variétale de l’abricotier au chancre bactérien.
Laurent Brun et Vincent Mercier : Inra – Unité Expérimentale de Recherche Intégrée en Arboriculture Fruitière, Domaine de Gotheron, F-26320 Saint-Marcel-lès-Valence.
Claude-Eric Parveaud : Grab – Antenne Rhône-Alpes, Domaine de Gotheron, F-26320 Saint-Marcel-lès-Valence.
Propos recueillis par FM
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Lancement des fiches « Sensibilité variétale aux maladies et ravageurs »
