Eric Birlouez : "Les F&L doivent parler vrai"

Quelles sont aujourd’hui les attentes émergentes des consommateurs vis-à-vis de leur alimentation ?
Le constat numéro 1 est que les français expriment un réel besoin de simplification face aux additifs perçus comme anxiogènes. Les consommateurs sont inquiets, et même méfiants à l’égard des produits industriels : on ignore d’où ils viennent, comment ils sont fabriqués ; il font peur car ils présentent une liste d’ingrédients et d’additifs très longue. Et, aujourd’hui, ce qui « fait chi-mique » fait peur. En réalité, le consommateur veut de l’information, et on la lui donne ! Mais cela n’est pas de nature à le rassurer car le produit industriel est évidemment plus complexe qu’il ne l’imagine… Alors la demande, aujourd’hui, est claire : c’est celle de la simplification.

Comment y répondre ?
Certaines marques ou distributeurs sont déjà engagés dans cette démarche. C’est le cas d’Intermarché qui a lancé une gamme complète de produits signés « L'Essentiel ». La promesse ? Une liste courte d'ingrédients, sans additifs, avec des produits qui respectent un cahier des charges strict, sans arômes, sans colorants… et sans conservateurs ! Pour ce qui concerne les fruits et lé-gumes, cette tendance à la simplification est une aubaine, puisque ce sont des produits mono-ingrédients : donc, forcément, perçus comme simples, et, de fait, perçus comme naturels et sains. Et, toujours dans la logique de ce besoin de simplification, les consommateurs ont besoin de con-naitre l’origine du produit qu’ils consomment : c’est pourquoi ils plébiscitent les circuits courts, et l’approvisionnement local. Selon une enquête Interfel / Aprifel, l’origine France serait le pre-mier facteur incitatif de la consommation de fruits et légumes. Notez que cette proximité recher-chée n’est pas seulement géographique : elle est aussi humaine. La filière alimentaire est perçue comme déshumanisée. Toutes les dynamiques qui permettent de reconnecter les produits aux hommes qui les font sont porteuses. Danone communique beaucoup là-dessus, avec les portraits d’éleveurs apposés sur leurs yaourts « au lait de nos éleveurs » : des images sincères qui ne sont pas des images d’Épinal. Si, auparavant on ne parlait que des produits, l’humain doit désormais impérativement rejaillir.

Vous expliquez que les fruits et légumes sont particulièrement associés à une image de naturalité.
Oui, c’est le cas ! Bien davantage que d’autres produits agricoles bruts, comme la viande. Les fruits et légumes, et le végétal de manière plus large, sont portés par cette envie de naturel qu’on associe à la santé, au goût et au respect de l’environnement. C’est le mythe d’une nature nourri-cière qui vient rassurer une France urbanisée et définitivement allergique au chimique. La viande, a contrario, est confrontée à une montée des préoccupations éthiques et environnementales : les français se préoccupent de plus en plus du bien-être animal. En 2016, 38 % des français consom-ment moins de viande qu’auparavant. La montée des attentes éthiques est une des tendances de fonds qui sont favorables à une végétalisation de l’assiette. Une assiette végétalisée, certes… Mais pourtant on ne parle que des pesticides ! Oui ! de manière générale, on assiste à un essor de nouveaux styles d’alimentation (régime sans gluten, diète paléo, vegan, no milk, bio, sans gluten, crudivore ou encore casher) qui sont particulièrement révélateurs des peurs suscitées par l’alimentation moderne. Quant aux pesticides, ils représentent la première crainte des consommateurs, bien avant la vache folle, les OGM. Il y a, dans la culture française, cette idée que le risque est intolérable. Le rapport aux pesticides est un peu le même que celui au vaccin : on perçoit un risque, mais on en oublie le bénéfice. La société est de plus en plus confortable et tolère de moins en moins le risque résiduel. Les réseaux sociaux amplifient le buzz, c’est la démultiplication des croyances. Les consommateurs sont à la fois par-ticulièrement méfiants, et particulièrement crédules. Et puis, il y a ce phénomène dit de « biais de confirmation » : les gens vont systématiquement privilégier les informations confirmant leurs idées préconçues ou leurs hypothèses , accordant moins de poids aux hypothèses jouant en défa-veur de leurs conceptions. La défiance envers la production conventionnelle est profondément ancrée…

La filière fruits et légumes est-elle, de fait, condamnée d’avance ?
Malgré la qualité sanitaire de ses pro-duits ? Non ! La pire chose serait de dire « Circulez, il n’y a rien à voir ! ». Il faut, au contraire, s’ouvrir : « Parlons-en ! » Et je ne parle pas, ici, de totale transparence (contre-productive car trop labo-rieuse si exhaustive), mais de sincérité ! Quand le consommateur pose des questions, il faut lui répondre : « Nous prenons en compte votre interrogation. Nous allons en parler ». Tout simplement. Les producteurs doivent tenir un discours de vérité, qui traduit leurs points forts, leurs pro-grès, leurs insuffisances ; tout en prenant des engagements chiffrés, précis, datés. Les portes-ouvertes sont des opérations particulièrement porteuses : même si le citoyen ne se déplace pas, il est rassuré que l’entreprise ouvre ses portes, il pense, ainsi, qu’elle n’a rien à cacher. Et quant au consommateur qui se déplace, il en revient toujours ravi. Le constat, en réalité, est clair : nous sommes aujourd’hui dans une telle défiance vis-à-vis de l’industrie agro-alimentaire que le produit frais, dès lors qu’il est capable de prouver que son mode de production est le moins « chimique » possible, a une véritable carte à jouer.

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