Victor Gilles : « La filière souffre d’un manque d’information commerciale »

Tout d’abord, qu’est-ce que 5AM-Market ?
5AM-Market est la première place de marché en ligne dédiée aux professionnels de la filière des fruits et légumes. C’est une plateforme sur Internet qui permet à tous les professionnels concernés par l’activité de commerce de fruits et légumes - producteurs, expéditeurs, négociants, conditionneurs, grossistes, acheteurs - de déposer et de consulter des offres de produits et des appels d’offres. Ainsi, en centralisant l’offre et la demande, ma plateforme s’impose comme un outil de travail aux fonctions multiples. C’est, tout d’abord, un outil commercial qui offre à chacun un accès facile et rapide à une cible élargie de business potentiel : l’acheteur ou le vendeur peut toucher un public plus large, plus rapidement, et toujours bien visé. C’est également un outil de veille qui offre un accès continu aux tendances des marchés et la possibilité de rester informé grâce à la transparence du contenu publié. Dans le cadre de la négociation commerciale, il est important de pouvoir rapidement estimer les prix pratiqués sur tel ou tel produit dans tel ou tel autre bassin de production, par exemple. Mais 5 AM-Market est aussi un outil de communication qui offre de la visibilité aux sociétés qui s’y inscrivent, et ce, d’autant plus pour celles qui n’ont pas de site Internet.

D’où vous est venue cette idée ?
Mon père est gérant de la société 2G Primeurs, une petite société de négoce à Châteaurenard, dans les Bouches-du-Rhône. Au départ, je souhaitais créer un site Internet qui puisse lui permettre d’être plus lisible sur ses prix et ses volumes, afin de lui faire gagner du temps et d’éviter que ses clients ne l’appellent plusieurs fois par jour. Et puis, très vite, nous nous sommes rendus compte que ce que je cherchais à développer pour mon père pouvait en réalité intéresser toutes les entreprises de la filière ! Il y a une problématique simple : beaucoup d’opérateurs ont des produits à vendre quand d’autres en ont à acheter… mais ils ne se connaissent pas ! Mon objectif est de créer la rencontre. Pour créer du business. C’est ainsi qu’est né ce système de mise en relation, via des petites annonces datées qui ont toutes une date de péremption.

N’allez-vous pas casser la relation commerciale de confiance qui existe entre les opérateurs ?
Non, je ne pense pas que nous allons révolutionner le marché dans son intégralité. Un expéditeur fidèle à un grossiste va le rester. Mais n’oublions pas que, derrière ces relations de confiance, un des critères essentiels dans les échanges commerciaux reste le prix.

Alors peut-on redouter que votre plateforme empiète sur le métier d’expéditeur ?
Le fait que de plus en plus de producteurs travaillent en direct avec les grossistes est un phénomène qui existe déjà : les exploitations sont de plus en plus grosses et nombreux sont les producteurs qui assument désormais des fonctions d’expédition, parce qu’ils peuvent investir dans des calibreuses, développer des volumes qui leur permettent de négocier les prix, discuter avec les transporteurs ou encore développer commercialement des marques. J’estime que la valeur ajoutée des expéditeurs va se maintenir sur certains segments, mais peut-être pas sur tous. N’oublions pas qu’à la base, nous avons conçu cet outil pour les expéditeurs qui peuvent ainsi avoir accès aux prix pratiqués dans d’autres régions.

N’importe qui peut avoir accès aux prix affichés sur le site ?
Non, il faut être inscrit pour ça. Le consommateur final ne doit pas avoir accès à ces réalités tarifaires.

Quand on dépose une offre, faut-il nécessairement afficher un prix ?
Non, le prix n’est pas un critère obligatoire pour déposer une offre. Et les prix affichés ne sont que des tarifs indicatifs qui servent de base à la négociation commerciale. Ce ne sont en aucun cas des prix de vente. Il est important de savoir que tout le busines, dès lors que la mise en relation est faite, s’effectue en dehors du site, généralement par téléphone. Mon but est de créer la relation, pas d’assurer la transaction financière. Mais, pour en revenir au prix affiché, si on veut vendre il vaut mieux déjà proposer un prix dans l’annonce.

Le site est gratuit. Quel est le modèle économique derrière ? J’imagine qu’il n’y a pas de commission possible si la transaction s’effectue en dehors de la plateforme ?
Tout à fait, l’inscription sur le site et le dépôt d’offres sont totalement gratuits. Mon objectif est de rendre le site monétisable tout en sachant que les opérateurs, une fois mis en relation, vont faire leur business en dehors de la plateforme. Dans un premier temps, je vais donc tout faire pour développer au maximum le trafic sur le site, pour ensuite monétiser le réseau induit. Je vais, par exemple, négocier des tarifs de gros pour des fabricants d’emballage, des assurances de crédit, etc., bref, pour tout prestataire potentiellement intéressé par la cible que représente la communauté du site. De fait, toutes les entreprises qui utilisent AM-Market auront la possibilité, si elles le souhaitent évidemment, de bénéficier de tarifs attractifs auprès de différents fournisseurs.

Combien d’entreprises sont inscrites sur le site aujourd’hui ?
Nous en avons 250 pour l’instant. Je me suis fixé comme premier objectif d’atteindre les 300. Le site rencontre un certain succès et éveille l’intérêt des opérateurs.

Pourquoi 5-AM ?
Parce que mon site est la place de marché de ceux qui se lèvent tôt. AM pour « Ante meridiem », 5 heures du matin ! Mais je tiens à ce que cela se prononce en français ! J’aime bien ce nom très généraliste, qui ne porte pas la marque d’un secteur ou d’une région.